« Je pense que nous pouvons nous permettre de rêver », Pierre Bergeron, coach

À quelques jours d’un déplacement à Nantes qui lancera la série de matchs de finale de championnat, Pierre Bergeron nous a livré son analyse et est revenu sur la formidable ascension de son équipe.

En début de saison, Chambéry s’est retrouvé jusqu’à l’avant-dernière position du classement. L’équipe est aujourd’hui en finale du championnat. Comment as-tu travaillé pour les mener jusque-là ?

C’est beaucoup de travail au quotidien. Ce que nous avons essayé de faire, c’est d’implanter un système et de vraiment travailler sur des concepts d’équipe. Cela fait de nous une équipe plus lucide avec le palet offensivement, mais aussi bien en place défensivement. Pour être honnête, c’est ce que nous faisons à chaque saison mais cette année, nous avons un bon groupe de joueurs, homogène, qui prend du plaisir ensemble et qui a compris le système mis en place. Certaines années nous pouvons avoir une bonne équipe mais si les joueurs n’achètent pas le système, ça ne fonctionne pas ! Cette année nous travaillons vraiment notre gestion de match, notre gestion du palet et nous apprenons beaucoup de nos défaites, c’est vraiment important.

Moi, en tant que coach, j’ai permis à beaucoup de joueurs de croire en eux. Nous avons des joueurs qui sortent de grosses performances ; ce n’est pas seulement deux ou trois, on parle de pratiquement toute l’équipe. À chaque match ils progressent, ils font le sacrifice quand c’est le moment de le faire, ils jouent chaque match avec de la hargne et de la vivacité intellectuelle. Ils sont aussi très lucides dans le contrôle de leurs émotions.

Nous savions que même en étant 13èmes nous avions les outils pour battre les plus gros clubs, nous nous le sommes prouvé en battant Gap et Bordeaux (deux équipes de Ligue Magnus, en Coupe de France). Je pense que si nous n’avions pas eu une aussi bonne Coupe de France, nous n’aurions jamais été 13èmes au classement. Nous avons eu des hauts et des bas, nous jouions parfois en sur-confiance, ce qui était mauvais. Je pense que les joueurs ont appris à rester neutres et à travailler tous les jours.

 

De l’autre côté, les Corsaires de Nantes ont démarré la saison régulière amputés de 6 points (+ 3 avec sursis) ; pourtant ils terminent la saison régulière à la première place et sont aujourd’hui en finale. Comment tu analyses cette équipe ?

C’est une équipe bourrée de talent, une grosse équipe dans le championnat avec un très grand gardien de D1, Michael Luba, qui a déjà joué à Chambéry auparavant. Ils ont aussi beaucoup de joueurs français avec l’expérience de la Ligue Magnus. Donc ils partent largement favoris, mais comme toutes les équipes que nous avons affrontées jusqu’à maintenant. À la fin, je suis content que le hockey se joue sur la glace et pas sur le papier. Car si on regarde sur le papier, on devrait se faire marcher dessus mais je pense qu’avec la façon dont on joue en ce moment, on peut se permettre de rivaliser avec eux.

 

Quelles sont les chances des Éléphants face à Nantes ?

Je ne veux pas parler trop vite et affirmer, comme un joueur de Caen a pu le faire, que personne ne peut nous battre en 5 matchs (« Dans une série de cinq matchs, personne ne peut nous battre. », Félix Chamberland, attaquant des Drakkars de Caen).

Ce que je dis, c’est que si nous jouons comme nous le faisons en playoffs en ce moment, tout peut être permis. Mais il faut jouer de cette façon-là, avec constance. Il faut jouer des matchs de 60 minutes, pas seulement 2 périodes sur 3.

Au hockey-sur-glace et comme dans tous les sports collectifs, le trophée est remis à la fin à la meilleure équipe, pas nécessairement aux meilleurs individus qui constituent l’équipe. Il s’agit juste d’être la meilleure équipe dans cette série-là.

 

Quel est l’état d’esprit des joueurs, individuellement et collectivement ?

Tout le monde en ce moment prend énormément de plaisir. Pour moi, c’est plaisant à voir. Il fait beau dehors et on joue encore, c’est un peu le paradis du hockey ! Ce que je veux, c’est que les joueurs prennent le maximum d’expérience, mais surtout qu’il y ait du plaisir dans l’adversité et du plaisir à en être arrivé là, car ce n’est pas donné à tout le monde. Cette année, quatre équipes se sont rendues en demi-finale de Coupe de France, nous étions dedans ; deux équipes se rendent en finale de championnat D1, nous sommes dedans ! Nous n’avons pas de pression à nous mettre, nous sommes l’outsider mais il faut vraiment avoir du plaisir à travailler, souffrir pour ses coéquipiers et pour le maillot. À la fin nous vivrons avec le résultat, quel qu’il soit. Mais je pense que tout le monde y croit et que nous pouvons nous permettre de rêver.

 

Par la suite, quel sera le calendrier de la fin de saison (vacances, reprise de la préparation physique, constitution de l’effectif 2024-2025…) ?

Penser à l’année prochaine, nous le faisons toute la saison. Si Nicolas Tomasini et moi ne pensons pas à l’année prochaine, nous ne faisons pas le bon travail. Nous essayons surtout d’avoir des coups d’avance sur tout le monde parce que nous savons que nous n’avons pas le même budget et souvent des conditions difficiles. Pour ce qui est de la fin de la saison, sitôt qu’elle sera terminée il y aura des entretiens individuels avec tout le monde. C’est certain qu’avec la visibilité que nous avons eue cette année, il y a des joueurs qui vont nous quitter. Notre objectif est de former des bons joueurs et de recommencer chaque année. La plupart du temps nous devons bâtir 75% de l’effectif, nous sommes prêts à cela. Nous ferons ce qu’il y aura à faire pour mettre l’équipe dans les meilleures dispositions possibles.

 

Et cette visibilité permet d’attirer des joueurs également ?

Oui c’est sûr. Lorsque nous appelons à l’extérieur, nous constatons que Chambéry n’est plus le petit club que les gens pensaient que c’était. C’est une organisation qui attire de plus en plus l’attention, que ce soit par la hausse du public qui vient aux matchs ou par notre plus grande présence sur les réseaux sociaux. Beaucoup plus de personnes consultent ce que nous faisons. L’affluence aux matchs, les résultats, la nouvelle balustrade l’année prochaine (des travaux de mise en conformité de la patinoire sont prévus), l’ouverture du restaurant dans la dernière année et demie… ce sont autant de pierres ajoutées à l’édifice.

 

Article rédigé par Anne POTIER PEROCHEAU + Photo prise par Gérard TEMPO